Quand ton corps ne parle plus ta langue
Pourquoi tu manges sans sentir la faim (et ce que ton système nerveux a à voir là-dedans)
Tu es à ton bureau, 14h30. Tu réalises soudain que tu n’as rien mangé depuis ce matin. Ou peut-être que tu as mangé, mais tu ne t’en souviens pas vraiment. L’assiette était là, puis elle était vide. Entre les deux ? Un trou noir.
Ou alors, c’est l’inverse : tu manges alors que tu n’as pas vraiment faim. Mécaniquement. Parce que c’est l’heure. Parce qu’il faut bien. Mais le goût ? La sensation de satiété ? Rien. Juste cette impression étrange d’être à côté de ton corps, comme si quelqu’un d’autre était aux commandes.
Ce n’est pas de la négligence. Ce n’est pas un manque de discipline ou de “self-care”. C’est ton système nerveux qui a coupé l’accès aux signaux subtils de ton corps. Et si tu es une femme hypersensible, neurodivergente ou en hypervigilance chronique, cette déconnexion n’a rien d’étonnant. Elle est même prévisible.
Quand ton corps parle une langue que tu ne comprends plus
Peut-être que tu te reconnais dans l’une de ces situations :
Tu finis ton assiette sans savoir si tu avais vraiment faim au départ.
Tu manges vite, debout, devant l’écran, sans goûter ce que tu avales.
Tu oublies complètement de manger, puis tu te retrouves épuisée, irritable, nauséeuse.
Après les repas, tu te sens lourde, ballonnée, inconfortable — mais tu ne sais pas pourquoi.
Tu as parfois l’impression de “flotter” pendant que tu manges, comme si ce n’était pas vraiment toi qui étais là.
Cette déconnexion a un coût invisible. Elle se traduit par une digestion difficile, une fatigue persistante, des tensions dans le ventre ou la gorge. Mais surtout, elle renforce cette sensation diffuse d’être à côté de toi-même, coupée de tes propres sensations.
Pour les femmes hypersensibles ou neurodivergentes, ce phénomène est amplifié. Ton système nerveux est déjà sollicité en permanence : tu analyses chaque interaction, tu anticipes les besoins des autres, tu gères une charge sensorielle et émotionnelle intense. Le masquage social — cette capacité à paraître “normale” et “adaptée” — consomme une énergie considérable. Avec le temps, ton corps finit par mettre en sourdine les signaux internes pour économiser ses ressources. Y compris la faim et la satiété.
Ce que ton système nerveux fait à tes signaux corporels
Voici ce qui se passe réellement dans ton corps.
Quand ton système nerveux est en mode survie — hypervigilance, figement, stress chronique —, il priorise une seule chose : ta sécurité immédiate. Toute son attention est tournée vers l’extérieur. Vers les menaces potentielles. Vers ce qui pourrait mal tourner.
Imagine ton système nerveux comme un gardien qui surveille en permanence les alentours. Il scanne les visages, les tons de voix, les imprévus, les changements. Il n’a pas le temps (ni l’énergie) de s’occuper des sensations internes. La faim ? La satiété ? La digestion ? Tout cela passe en arrière-plan.
Les signaux de ton corps deviennent alors “bruités”, comme une radio mal réglée. Parfois, tu ne sens rien. Parfois, tu sens trop (une douleur soudaine, une nausée intense). Mais rarement, tu sens juste ce qu’il faut pour prendre une décision sereine : “Oui, j’ai faim. Non, j’ai assez mangé.”
Et quand tu manges en mode stress — debout, pressée, tendue —, ton corps reste en alerte. La digestion, elle, a besoin de calme. Elle fonctionne quand ton système nerveux est en mode “repos et digestion” (système parasympathique). Mais si tu restes en mode “combat ou fuite” (système sympathique), ton corps ne digère pas correctement. D’où les ballonnements, les reflux, la lourdeur, les inconforts chroniques.
Ce n’est pas “dans ta tête”. C’est physiologique.
Pourquoi ajouter une “règle alimentaire” ne fonctionne pas
Tu as peut-être déjà essayé : manger dans un certain ordre, respecter des horaires fixes, suivre des portions précises, éliminer certains aliments. Et peut-être que ça n’a rien changé. Ou pire : ça a ajouté une couche de culpabilité et de charge mentale.
Voici pourquoi.
Les conseils nutritionnels classiques — aussi pertinents soient-ils — s’adressent à un système nerveux régulé. Ils partent du principe que tu as accès à tes sensations corporelles, que tu peux identifier la faim, la satiété, le plaisir. Mais quand tu es déconnectée, ces conseils tombent à plat.
Ajouter une nouvelle règle à suivre, c’est demander à ton système nerveux déjà surchargé de gérer une tâche supplémentaire. C’est comme demander à quelqu’un qui se noie de nager plus vite.
Ce dont tu as besoin d’abord, ce n’est pas une méthode pour “mieux manger”. C’est de la sécurité somatique. C’est de reconnecter doucement, progressivement, aux sensations de ton corps. Avant de penser à quoi manger ou comment manger, tu as besoin de sentir que tu habites ton corps.
Reconnecter aux signaux de ton corps : une pratique somatique douce
Voici une micro-pratique simple, adaptée aux femmes hypersensibles et aux profils neurodivergents. Elle ne prend que 60 à 90 secondes. Tu peux la faire avant chaque repas — ou même juste une fois par jour pour commencer.
Pause sensorielle avant le repas
Objectif : ramener la conscience dans ton corps avant de manger, sans pression ni performance.
Durée : 60–90 secondes
Comment faire :
Pose les deux pieds au sol.
Assieds-toi confortablement (ou reste debout si tu préfères). Sens le contact de tes pieds avec le sol. Ancre-toi dans cette sensation pendant quelques secondes.Prends 3 respirations lentes.
Inspire par le nez, expire par la bouche. Sens ton ventre se gonfler à l’inspiration, se dégonfler à l’expiration. Pas besoin de forcer. Juste observer.Demande-toi intérieurement (sans jugement) :
“Est-ce que j’ai faim ? Où est-ce que je sens cette sensation ?”
Peut-être dans ton ventre. Peut-être dans ta gorge. Peut-être nulle part. C’est OK.Observe ce qui vient (ou ne vient pas).
Si tu ne sens rien, c’est parfaitement normal. Tu ne cherches pas à “réussir” cette pratique. Tu observes, c’est tout.Commence à manger en prenant une première bouchée lentement.
Note la texture. Le goût. La température. Juste une bouchée. Puis continue ton repas normalement.
Note sécurité : si cette attention à ton corps devient inconfortable ou anxiogène, tu peux arrêter à tout moment. L’objectif n’est pas la performance, mais l’observation douce. Certains jours, cette pratique sera facile. D’autres jours, elle sera impossible. Les deux sont OK.
Variante hypersensible : si c’est trop intense, commence juste par poser les pieds au sol et respirer 3 fois — sans te poser de question sur la faim. C’est déjà énorme.
Les petits signes que la reconnexion commence
Si tu pratiques cette pause régulièrement (même imparfaitement), voici ce que tu pourrais observer au fil des semaines :
Tu remarques le goût des aliments, même si ce n’est que quelques bouchées.
Tu sens une légère sensation dans ton ventre avant les repas — quelque chose qui ressemble à de la faim, ou à du vide.
Tu arrives à identifier “j’ai assez mangé” avant d’être inconfortablement pleine.
Moins de ballonnements ou de lourdeur après les repas.
Une sensation subtile de “présence” pendant que tu manges — comme si tu étais là, vraiment.
Ces changements ne sont pas spectaculaires. Ils sont discrets. Mais pour quelqu’un qui s’est senti déconnecté pendant des mois (ou des années), ils sont précieux.
Ce n’est pas linéaire (et c’est normal)
Certains jours, tu seras complètement déconnectée. Tu mangeras vite, distraite, sans rien sentir. Et c’est OK.
Les journées stressantes, les réunions difficiles, les imprévus — tout cela rend la reconnexion plus difficile. Ton système nerveux retourne en mode survie, et les signaux corporels repassent en arrière-plan.
L’objectif n’est pas la perfection. L’objectif, c’est d’augmenter progressivement les moments de présence. Un repas par semaine. Puis deux. Puis une bouchée par jour. Puis plusieurs.
Ton système nerveux a besoin de temps et de répétition pour reconstruire cette connexion. Il a besoin de sécurité. De douceur. De patience.
Pour aller plus loin
Questions de réflexion :
Est-ce que tu te reconnais dans cette déconnexion aux signaux de ton corps ?
Quand as-tu mangé pour la dernière fois en sentant vraiment le goût de ce que tu mangeais ?
Qu’est-ce qui se passe dans ton corps quand tu penses à ralentir avant un repas ? (Soulagement ? Anxiété ? Résistance ?)
Partage en commentaire si tu veux — même un seul mot. Parfois, nommer ce que tu vis, c’est déjà un premier pas vers la reconnexion.
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Parce que tu n’as pas besoin d’une nouvelle règle alimentaire. Tu as besoin de réapprendre à écouter ton corps. Et ça, ça se fait pas à pas, dans la douceur et la sécurité.
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